LES BAUX COMMERCIAUX

Maître Benazdia - Avocat à Vichy dans l'Allier

LES BAUX COMMERCIAUX

Le renouvellement des baux commerciaux est source de conflits entre le bailleur et le preneur puisque, bien souvent, le bailleur souhaiterait voir augmenter son loyer initialement fixé 9 ans auparavant qui a pu faire l’objet, certes, d’indexations, tel qu’il ressort du contrat de bail, alors même que le locataire considèrera que le loyer est toujours plus élevé que ce que ne vaut l’emplacement, étant souligné également que sont à prendre en compte les changements d’habitudes de commerce du fait de l’usage d’ internet, de la paupérisation des centres-villes et de l’obsolescence des habitations, du regroupement de locaux loués à usage de banque et/ou d’assurance…

Le renouvellement du bail commercial relève des dispositions des articles L.145-1 et suivants du Code de Commerce.

Il est à noter que le droit au renouvellement est d’ordre public, ce qui implique que les parties ne peuvent y déroger, et que sont considérées comme nulles et non écrites les clauses, stipulations ou tout autre arrangement qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement.

Pour bénéficier du renouvellement, faut-il encore que le locataire exploite son fonds de commerce ou fonds artisanal, qu’il soit immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés, ou au Répertoire des Métiers, qu’il soit propriétaire de l’exploitation de son fonds, mais peu importe que l’exploitant soit de nationalité française ou étrangère au regard d’un arrêt de la Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile du 09/11/2011 n°10-30291, arrêt conforté au travers de l’article 5 de la loi 2014-626 du 18/06/2014 dit Loi Pinel.

Le congé avec offre de renouvellement peut être mis en œuvre soit par le bailleur, soit par le locataire.

Le bailleur peut faire délivrer un congé avec offre de renouvellement, et c’est le bailleur lui-même qui doit donner congé, étant précisé que s’il y a un nu-propriétaire et un usufruitier, il vaut mieux que le congé soit donné par le nu-propriétaire et l’usufruitier, et s’il y a plusieurs nus-propriétaires il est opportun que tous les nus-propriétaires soient cités dans le congé, afin d’éviter de voir considérer celui-ci comme nul.

Si l’immeuble loué appartient à des époux communs en biens, la jurisprudence n’a pas tranché aux fins de savoir si le congé doit être délivré par les deux époux nommément cités, ou simplement par l’un des époux.

Le congé peut être donné par le représentant du bailleur ou son préposé, à la condition que l’un et l’autre aient reçu un mandat spécial qu’ils ont intérêt à joindre au congé. Le susdit mandat devra être explicite et donc non équivoque.

Si le bailleur est une société, c’est le dirigeant qui figure sur le K-BIS de la société qui doit être visé comme ayant la représentation de la société qui donne congé.

Le congé doit être signifié au locataire, c’est-à-dire à l’exploitant du fonds, et en cas de décès du locataire, le congé doit être notifié à chacun des cohéritiers (Cour de Cassation 3ème Chambre Civile du 02/11/2005).

C’est ainsi qu’un congé délivré au conjoint veuf, qui est seulement usufruitier du fonds de commerce, n’est pas valable et non opposable aux enfants du locataire qui seraient nus-propriétaires.

Si le bail est consenti à deux locataires commerçants, il doit y avoir vérification au niveau du bail si les deux locataires sont solidaires, le congé délivré à l’un deux est opposable aux autres, conformément aux dispositions du Code Civil, de la solidarité des articles 1203 et 1206 du Code Civil.

Par contre, en l’absence de solidarité, le congé doit être délivré à chaque locataire concerné.

Il faut faire attention également si le bail est consenti à des époux, si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, le congé délivré à l’un des conjoints n’est pas valable, sauf si les époux se sont engagés solidairement à l’égard du bailleur dans le contrat de bail, puisque, là également, ce sont les effets de la solidarité qui doivent trouver application, Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile du 21/10/1992.

Le congé doit être délivré 6 mois avant la date d’expiration du bail, et il prend effet à ladite date d’expiration.

Si le congé est délivré moins de 6 mois avant le terme du bail, il prend effet en dehors de la période du bail et donc pendant la période dite de tacite prolongation.

Le locataire peut accepter le congé notifié par le bailleur aux conditions proposées bien souvent en termes de loyer.

Le locataire peut accepter simplement le principe du renouvellement, et même contester les modalités de l’offre (c’est bien souvent le cas par rapport au loyer proposé par le bailleur), et dans cette perspective le locataire, ou le bailleur, peut alors saisir le Juge des Loyers en demande de fixation du loyer renouvelé. Bien souvent, le Juge des Loyers désignera un expert judiciaire aux fins de déterminer la valeur locative du local, et éventuellement de préciser si les facteurs locaux de commercialité ont changé.

Par contre, si ni le bailleur, ni le locataire, n’ont délivré le congé dans le délai de deux ans à compter de l’expiration du bail, le bail est réputé renouvelé aux clauses et conditions antérieures, et notamment au prix du bail expiré, ce qui implique que le bailleur a tout intérêt à saisir dans le délai de deux ans le Juge des Loyers pour interrompre la prescription, Cour de Cassation 3ème chambre civile du 28/02/1979 bulletin civil 3 n°51.

Le congé peut être délivré également par le locataire.

S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut à l’égard de tous, sauf stipulation contraire dans le bail, article L.145-10 du Code de Commerce.

En cas d’usufruit, la demande de renouvellement doit être adressée à l’usufruitier et au nu-propriétaire et pas seulement à l’usufruitier.

La notification doit être adressée au siège social ou au domicile du bailleur, pour le siège social il suffit de recourir au K-BIS, pour le domicile c’est celui qui figure, en principe, sur le bail.

La demande du preneur doit être faite dans les 6 mois précédents l’expiration du bail, soit à tout moment au cours de sa prolongation. Le délai se calcule de quantième à quantième.

Le bailleur peut répondre positivement et ne pas être d’accord, ni sur le renouvellement, ni sur les conditions que souhaite le locataire, notamment par rapport au niveau du bail. Si la discussion porte uniquement sur le bail, le délai de saisine du Juge des Loyers est également de deux ans, cependant, il ressort de la jurisprudence que ce délai court à la date de la réponse positive du bailleur pour le renouvellement à la demande du preneur, Cour de Cassation 3ème Chambre Civile du 12/06/1996, bulletin civil n°3 141, Cour de Cassation, Chambre Civile du 18/10/2004 AJDI 2005 n°304.

De même, la jurisprudence, Cour de Cassation 3ème Chambre Civile du 09/07/2014 DALLOZ 2014 actualités 1588, ordonne que la demande du bailleur qui n’a pas fait connaître le prix qu’il sollicite dans son congé, ou dans la réponse à la demande de renouvellement du preneur en modification du prix du bail par un acte ultérieur, n’a pas d’effet interruptif de la prescription biennale de l’action en fixation du prix du bail renouvelé qui court à compter de la date d’effet du nouveau bail.

Enfin, la demande de renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire, ou par lettre recommandée avec accusé de réception, au choix du preneur, alors que le bailleur doit délivrer son congé uniquement par acte extrajudiciaire et donc par voie d’huissier, puisque ce doit être dans les formes et délais de l’article L.145-9 du Code de Commerce, alors que le preneur est soumis au régime de l’article L.145-10 du Code de Commerce.

Que vous soyez bailleur, ou preneur, n’hésitez pas à consulter un avocat avant toute démarche préalable.

A. BENAZDIA